vendredi 28 septembre 2012

La dialectique du cheveu

Tableau synthétique des correspondances entre les principales caractéristiques du cheveu et leurs connotations
 Commentaire

1 - Avertissement:
je tiens tout d'abord à préciser que je ne porte aucun jugement sur les personnes dotées d'un ou plusieurs signes distinctifs listés dans le tableau ci-dessus, quelle que soit la connotation mentionnée en face.
De plus, je ne cautionnerai en aucun cas les ségrégations sociales, ni les considérations raciales qui pourraient être déduites de cette publication.

 2 - Les nuances:
à l'occasion de l'exposition "Cheveux chéris" du musée du Quai Branly, j'ai essayé de réaliser à travers ce tableau la synthèse la plus fine et la plus logique possible du langage des cheveux. Pour autant, toutes les nuances capillaires (châtain, auburn, coupes spécifiques, cheveux blancs, coiffures élaborées ou attachés seulement en partie...) ne sont pas présentes, pour des raisons évidentes de clarté. On trouvera donc leur sens en "mixant" à volonté les signes distinctifs et leurs correspondances.

3 - Le point de vue:
comme chacun a son idée des nuances, chaque civilisation adopte un point de vue pouvant faire varier légèrement les connotations indiquées ci-dessus. Cette ré-interprétation commence à l'école, où les enfants apprennent notamment à jouer avec les normes sociales établies. Entre adeptes des sages nattes et rebelles aux crêtes punk, tout est possible, ou presque...

4 - Atténuation des connotations liées aux couleurs:
les couleurs de cheveux sont restées très longtemps fortement connotées. Au Moyen-Age, par exemple, les femmes rousses étaient considérées comme les "servantes de Lucifer", et pouvaient risquer le bûcher. 
Aujourd'hui, avec la mondialisation et la modernisation des techniques de coiffure, ce jugement des couleurs s'est atténué au profit de celui de l'apparence, qui renvoie plus ou moins à l'hygiène et à la santé. Ainsi, plus que d'être jugé sur sa couleur (que l'on peut désormais choisir plus facilement), on risque davantage de l'être sur sa "propreté" (pellicules, cheveux gras, sales, collés, poussiéreux, etc).

5 - Variantes d'ondulation:
on distinguera parmi les cheveux frisés les boucles qui renvoient à l'enfance, les anglaises et autres rouleaux artificiels qui font figure de coquetterie et/ou de noblesse, ainsi que les cheveux de nature crépue (Africains, métisses...).

6 - Longueur et volume, expression de l'énergie vitale:
les cheveux longs expriment la puissance magnétique de leur porteur, qu'elle soit inquiétante et diabolique (sorcières...) ou pure et sacrée (Jésus...).
On remarquera au passage que la longueur des cheveux n'est pas nécessairement un marqueur de la frontière entre masculin et féminin; certains hommes portent en effet de longues queues de cheval, tandis que de nombreuses femmes ont opté pour la coupe "à la garçonne"...
Le volume indique, tout comme la longueur, la qualité de l'énergie présente, des cheveux "raplapla" donnant une impression de fatigue, de mal-être ou de tristesse. Ce manque de "forme", au sens propre comme au figuré est une des raisons qui nous font appeler le coiffeur à la rescousse...
Et justement, ce coiffeur joue un rôle clé, précisément entre la sphère personnelle (soi) et la sphère sociale, puisqu'il qu'il nous redonne confiance en nous, comblant parfois un manque affectif de l'enfance, mais nous attribue en plus un nouveau "statut social", plus "élevé", puisque se faire coiffer coûte cher...

7 - La tête, territoire de la diplomatie:
c'est tout bête, mais des études scientifiques ont montré que le cerveau humain semble très sensible à la question de la symétrie (pour se faire une petite idée, c'est le premier critère esthétique, voir ici: http://www.dermatologie-et-esthetique.info/post/2010/09/20/LE-VISAGE-DE-LA-BEAUTE-%3A-UNE-QUESTION-DE-PROPORTIONS%E2%80%A6MAIS-AUSSI-DE-LUMIERE-ET-DE-COULEURS). Or la coiffure, comme une balance à plateau, peut mettre en évidence l'équilibre comme le conflit... Pensez d'ailleurs à des expressions telles que "se crêper le chignon"...

8 - Les rituels de passage:
les cheveux évoluent à travers les âges de la vie. En ce sens, les cheveux longs se rapportent généralement à l'enfance, la première coupe choisie sans les parents au passage à l'âge adulte et la chute à la vieillesse.
On fera d'ailleurs la différence entre cinq types de rituels de passage,
- la coupe qui mentionne une séparation (écoliers, religieux, militaires..), 
- la chute, volontaire ou non, totale ou partielle, qui met en évidence une perte, et donc un deuil (engagement spirituel comme le Bouddhisme, traumatisme psychologique tel que la pelade, temps qui passe, etc).
- la maîtrise, à l'aide de barrettes, de pinces, d'élastiques ou d'un chignon, qui met en évidence l'obéissance à une certaine forme d'autorité, très variable selon les cas (scolaires, sportifs, agents territoriaux, musiciens et danseurs classiques, mondaines, femmes âgées, etc).
- la dissimulation sous un couvre-chef ou un voile, partiel ou intégral, ce dernier constituant sans doute la forme de soumission la plus fortement connotée d'autant qu'elle est la plupart du temps réservée aux femmes (voile de la mariée, de la veuve, de la religieuse, burka, ...).
- l'ornementation, telle que les couronnes, toques, casquettes, coiffes, parures, bijoux ou objets fétiches, qui marque ou rappelle l'obtention d'un statut supérieur ainsi que le pouvoir qui lui est rattaché (empereurs, rois, dignitaires, chefs, agents territoriaux, universitaires, religieux..).

9 - Le pouvoir, entre peur et séduction:
un savant dosage entre répulsion et attirance, voilà une des bases de l'autorité. Or la coiffure peut aussi exprimer nos instincts: crainte (et donc obéissance), domination (impliquant un statut supérieur), sexualité (érotisme des cheveux dénoués, de leur parfum, de la nuque..).

10 - Les cheveux, supports de la création artistique:
 la connaissance des codes et marqueurs sociaux permet ensuite de mieux s'en affranchir, voire de "jouer avec", comme aiment le faire de nombreux artistes, désireux de mettre en avant leur talent et leur singularité. Le cheveu, matériau humain malléable, prend alors les formes les plus diverses, au gré des envies...




Pour plus d'informations sur l'exposition "Cheveux chéris", cliquer ici:
http://www.quaibranly.fr/fr/programmation/expositions/a-l-affiche/cheveux-cheris.html

Découvrez aussi le musée virtuel ("visite" gratuite, uniquement en ligne!) des peignes et autres accessoires de coiffure du monde entier à travers les différentes époques ici:
Creative Museum - Peignes et accessoires de coiffure

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