C'est un univers à l'esthétique extrêmement raffinée mais dans lequel on ne se plonge pas aisément: le théâtre japonais reste en effet hermétique pour beaucoup d'entre nous. Dès l'entrée de l'exposition, un grand écran diffuse des extraits de pièces célèbres où l'on voit des visages étranges, des costumes chatoyants et des poses parfois loufoques. La bande son est tout aussi mystérieuse, alternant entre silences, chants ou cris, accompagnés de quelques instruments de musique traditionnels.
Le kabuki est la forme populaire du théâtre nippon: inventé au 17ème siècle (début de la période Edo), il se compose de chants (ka), de danses (bu) et de jeux de scènes originaux (ki).
D'abord interprété que par des femmes, il devient exclusivement masculin dès 1629, les règles devenant de plus en plus restrictives. Ceux qui jouent les rôles féminins prennent le nom d'onnagata. Peu à peu, le genre prend sa forme définitive avec ses caractéristiques propres tel qu'on le connaît aujourd'hui.
L'extravagance des costumes (kitsuke), leurs couleurs vives ainsi que le maquillage (kesho), très voyants, sont faits pour être reconnus de loin, au premier coup d’œil. Car les représentations avaient très souvent lieu en extérieur, sur une scène aux décors mouvants plutôt sommaires.
Le répertoire se compose de pièces historiques (jidai mono) ou du quotidien (sewa mono), ou encore reprend celles du théâtre no. Autrefois, le spectacle durait une journée, le public déjeunant et bavardant sur place. Aujourd'hui, on ne propose plus que des extraits des textes, très longs.
Dans le kabuki, on assiste aussi à des morceaux de danse (shosagoto) où les personnages masculins miment des combats ou des conflits et les personnages féminins courent ou se contorsionnent, balayant le sol de leurs kimonos de soie, un coup à gauche un coup à droite, très rapidement. Les "kata", regroupant déplacements, gestuelle et performances vocales relèvent ainsi d'un entraînement si rigoureux que les acteurs doivent se spécialiser dans un rôle, auquel correspond un costume très précis.
Il y a, par exemple, des kimonos aux motifs fleuris pour les courtisanes, d'autres richement décorés pour les samouraïs, ou d'autres encore ornés des blasons familiaux, etc. Les broderies de soie, d'or et d'argent ainsi que les couleurs sont choisies en fonction des saisons, de la position sociale et du rôle familial.
Certains vêtements permettent des effets changeants (l'acteur aidé par un assistant dissimulé derrière lui transforme son kimono blanc en costume enflammé pour montrer sa colère; ou alors il déploie des manches démesurées..). Plus surprenant encore, le "kamiko", un kimono de soie et papier calligraphié que se confectionne un amant malheureux avec les lettres d'amour de sa courtisane.
On compte également de nombreux accessoires: sandales, geta (chaussures en bois découvertes), éventails, sabres en bois, inrô, obi (ceintures), ombrelles en bambou, perruques, coiffes, lanternes etc, chacun aidant à identifier les personnages.
Les costumes et accessoires présentés dans cette exposition de la Fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent sont prêtés par la société Shôchiku Costume de Tokyo, les œuvres graphiques par le musée Guimet.
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