Situé juste derrière le Panthéon Bouddhique,
Comme dans l'art de servir le thé, architecture et espaces verts répondent à l'esprit zen - introduit au Japon par
Myoan Eisai (1141-1215), maître de la secte zen
Rinzai -, dont les bases furent établies essentiellement par les trois maîtres célèbres issus du
Daïtoku-ji de Kyoto que furent
Ikkyu Sojun (1394-1481), puis son disciple
Murata Shuko (1422-1502), et enfin et surtout
Sen no Rikyu (1522-1591), qui posa comme principes fondamentaux les quatre concepts suivants: harmonie (
wa), respect (
kei), pureté (
sei) et sérénité (
jaku).
Plus tard, y furent ajoutés ceux de la simplicité rustique (
wabi) et de l'imperfection, de la patine des objets (
sabi) auxquels il convient également de se conformer, et qui sont ici en réalité parfaitement simulées.
Il s'agit en effet de renforcer, voire de réactiver le lien entre l'invité et la nature, qui doit lui apparaître comme étant dominante, de façon à ce qu'il prenne conscience de son impuissance face à l'énergie potentiellement hostile de celle-ci.
Ainsi arbres et
arbustes à feuillage coloré (dont les fameux érables) permettent de jouer tantôt dans la lumière tantôt dans l'ombre sur les formes et les contrastes, dont les reliefs impressionnent peu à peu le visiteur.
Cependant, fleurs trop vives et plantes annuelles sont pour la plupart du temps proscrites, ceci pour un
entretien moindre et un effet plus sobre.
Parcours initiatique à travers un paysage végétal hautement spirituel en vue de la rencontre de
l'autre isolée dans l'instant présent, ce chemin singulier de la Voie du Thé propose un dépaysement progressif,
animé autant par le ruissellement de l'eau entre les pierres irrégulières (
tobi ishi) du petit sentier,
que par le bruissement des feuilles des plantes,
..dans une atmosphère teintée de mystère,
les bambous géants contribuant à restituer l'ambiance d'une forêt sombre et touffue...
Lors de la cérémonie du thé, l'hôte doit prendre le rôle d'un ascète ou
d'un ermite vivant retiré dans une maison modeste de petite taille
(juste assez grande pour accueillir agréablement ses invités) perdue
dans une contrée sauvage et reculée, image de sa solitude austère,
profonde mais vivante.
Ceux qu'il reçoit, tels les samouraïs déposant jadis leurs armes avant d'entrer, laissent alors provisoirement de côté rang social, richesses et inquiétudes de la vie, de façon à pouvoir partager avec lui le moment de la dégustation plus intensément,
dans un cadre de verdure qui marque une pause dans l'espace et le temps,
le jeu des lignes des passerelles provoquant des ruptures visuelles...
ainsi que des illusions d'optique quant aux distances et proportions réelles des lieux.
Le thé quant à lui, de part ses propriétés stimulantes, se révèle une excellente boisson d'éveil à la méditation,
et l'ensemble des rites qui y sont rattachés constituent autant d'étapes symboliques vers une purification de l'âme qui sache rendre l'être aussi humble que ces fougères rampant sur la terre...
En principe, toute construction au Japon doit être précédée d'une cérémonie shintoïste afin de chasser les mauvais esprits (
jichinsai) de l'endroit choisi, puis d'une deuxième dite de "montée de la poutre faîtière" (
muneage), au moment de l'achèvement de la charpente. Durant tout le temps des travaux, pour résister aux intempéries, l'ensemble doit être enveloppé d'une grande tente blanche telle la chrysalide protégeant la chenille vulnérable pendant sa transformation. Ce n'est qu'une fois devenu papillon, enfin... pavillon, que l'édifice en sera libéré.
A l'intérieur se retrouvent les caractéristiques de l'architecture traditionnelle nippone:
- alcôve donnant une impression de profondeur (tokonoma),
- revêtements de sol en paille utilisés en même temps comme unité de mesure de la surface (tatami)
- séparations ingénieuses et subtiles des différents espaces par des cloisons en partie ouvragées et des panneaux coulissants,
- une pièce pour le service (mizuya), ainsi qu'une deuxième, plus grande, pour la cérémonie proprement dite (chashitsu).
Lors d'une séance de dégustation de thé, l'invité d'honneur est placé
devant le tokonoma dans lequel sont disposés un sobre arrangement floral
(
chabana) ainsi qu'un rouleau peint (
kakemono) suivant la saison, l'événement, ou l'attention spécifique de l'hôte envers ses invités.
D'une façon générale, comme pour le style plus luxueux
shoin,
un très grand soin et une exigence toute particulière sont observés
pour la construction, les proportions et le travail des matériaux dont
la sélection, la préparation et les finitions sont extrêmement
délicates, avec également le souci de créer un pavillon chaque fois
unique. Plus spécifiquement, pour les constructions de type
sukiya, davantage de libertés sont permises, comme ici, où la préférence pour une "cabane végétale" (
soan) souligne élégamment l'originalité de la réalisation.
Le choix
du bois comme matière première principale permet de rester au plus près
de la nature, et les éléments sont traités un à un de façon à mettre en
valeur leur aspect esthétique originel en prenant en compte leur
singularité tout en effectuant le moins de transformations possible.
Les fenêtres sont de trois types:
- avec les angles arrondis, sans encadrement, et en tressage ajouré constituant les murs mais non recouvert de torchis (shitaki),
- avec un cadre coulissant en papier translucide (renji), éventuellement protégées par du bambou (shiratake)
- sous forme d'une petite ouverture au niveau du toit dans laquelle est placée une planche surélevée (tsuki-age).
En été, sur les fenêtres coulissantes (
renji) ouvertes, des stores extérieurs (
sudare) peuvent être installés pour filtrer la lumière et obtenir de la fraîcheur, ceux-ci étant retirés lors de chaque cérémonie.
Les murs, fabriqués à Kyoto, constitués d'une armature de bambou et de lianes de glycine, le tout enduit d'un mélange de terre légère, de paille coupée très finement et de sable, ne servent qu'à séparer l'intérieur de l'extérieur du petit bâtiment, ne supportant aucunement le poids de l'ensemble.
Marquant la fin du cheminement sur les pierres du jardin, un gros rocher rougeâtre aux formes arrondies, rapporté du Nord de Kyoto, signale une petite entrée basse (
nijiri-guchi) nécessitant de se courber pour la franchir et imposant par-là même d'emblée aux invités de faire preuve d'humilité. Il existe un autre accès de pleine hauteur destiné aux personnes dont il n'est pas exigé une telle posture. Et un troisième pour le service.
Les poteaux formant la structure verticale sont en cryptomeria (
Kitayama sugi,
du nom de la région du nord de Kyoto où cette essence est cultivée),
hormis celui formant l'angle du
tokonoma, taillé dans un arbre d'une
variété locale d'if nommée
enshu.
Les poutres, elles, sont le plus souvent en pin, ou alors en
Kitayama sugi, voire en châtaignier comme l'est ici la poutre faîtière.
En ce qui
concerne la toiture, la structure de bois est recouverte d'une couche
isolante bituminée sur laquelle sont disposées des feuilles de titane à l'aspect mat verdâtre,
et sur le faîte une rangée de
tuiles rondes vernissées de la province de Gifu, ces dernières garantissant l'étanchéité et conférant à l'ensemble un caractère traditionnel malgré l'utilisation d'un métal inconnu autrefois.
En dessous, enfin, une sorte de grand auvent prolonge le toit, notamment pour mieux abriter de la pluie les murs autant que les participants à la cérémonie, une rigole de petits cailloux courant tout le long juste en dessous afin de faciliter l'écoulement des précipitations, ces dernières formant ainsi un mince rideau d'eau qui glisse depuis la toiture et crée une zone métaphorique intermédiaire de "passage" entre le jardin et le pavillon...
Pour plus d'informations sur le jardin, l'élaboration et l'inauguration du pavillon de thé, cliquer ici: