La visite des lieux constitue une expérience assez unique en son genre:
imaginez l'entrée dans une manufacture de soieries qui, riche d'une histoire de près
de deux siècles, n'a pas bougé (ou presque) depuis sa fermeture définitive de
2001.
Ainsi, parcourir ses différentes salles, bureaux et ateliers, laissés tels quels depuis le départ des derniers employés, permet d'effectuer un voyage dans le temps pour le moins stupéfiant...
Édifiée
en 1835 à Jujurieux (Ain), cette véritable cité industrielle employa des milliers d'ouvrières de la
région,
mais aussi d'autres pays d'Europe (Italie, Suisse, Pologne...),
et fut longtemps considérée comme un modèle de l'"usine-pensionnat",
suivant la volonté paternaliste à caractère social, moral et religieux de son fondateur, Claude-Joseph Bonnet (1786-1867).
La vie des pensionnaires était en effet planifiée de façon très précise,
et les nombreuses infrastructures (chapelle, économat, infirmerie...),
attenantes, constituaient pour l'époque des avantages non négligeables.
Sans doute est-ce pour ces raisons que l'usine ne connaîtra que très peu
de mouvements de grève, et ce en dépit de faibles salaires.
L'architecture des bâtiments ainsi que le fonctionnement exemplaire de l'entreprise inspirèrent la construction de succursales ainsi que d'autres filatures concurrentes, en France et à l'étranger, dont probablement celle de Tomioka au Japon.
Les deux conflits mondiaux du 20ème siècle et leurs nombreuses conséquences (manque de personnel, mécanisation de gestes autrefois manuels, usage des fibres synthétiques, évolution du mode de vie et de la clientèle...) ayant créé des difficultés dans l'industrie textile,
le pensionnat ferme en 1945 et l'activité de la Société d'Exploitation des Textiles Bonnet se réduit au fil des ans.
Dans les années 1970, pour tenter de faire face à ce déclin, la SETB investit dans des métiers à tisser le velours, ce qui redonna un certain élan à sa production durant quelques années, mais ne permit pas d'empêcher le dépôt de bilan survenu en 1999.
Par chance, à l'initiative du dernier dirigeant, les locaux furent aussitôt rachetés par la Communauté de communes Rives de l'Ain-Pays du Cerdon,
et l'intégralité de ce qu'ils abritaient (machines, outils, mobilier, archives, rouleaux de tissus, échantillons, etc) fut acquis par le Département de l'Ain, le tout en vue de créer un musée.
Deux ans plus tard, les collections obtiennent l'appellation "Musée de France", et le bâti est classé monument historique. Les lieux, ouverts au
public de mai à octobre, sont divisés en deux espaces:
- la partie "exposition", où le visiteur est amené à découvrir le Bombyx mori (papillon dont la chenille est à l'origine du fil de soie), les différents types de textiles produits par les Soieries Bonnet selon les époques, ainsi que l'histoire - très documentée - de la société, des bâtiments à la vie de son personnel;
- la partie dite de l'"usine", dont on voit ici les images, accessible uniquement lors de visites guidées (pour des raisons de sécurité) effectuées par d'anciens employés, qui partagent volontiers leurs connaissances ainsi que leur expérience individuelle.
Quand les circonstances le permettent, certains métiers à tisser sont alors remis en marche;
ces démonstrations donnent l'occasion de se rendre compte des conditions de travail (odeur, bruit, etc) imposées par ces machines, qui exigent de plus beaucoup de rigueur et d'attention lors de leur utilisation.
Pour en savoir plus:
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