La visite des lieux constitue une expérience assez unique en son genre:
imaginez l'entrée dans une manufacture de soieries qui, riche d'une histoire de près
de deux siècles, n'a pas bougé (ou presque) depuis sa fermeture définitive de
2001.
Ainsi, parcourir ses différentes salles, bureaux et ateliers, laissés tels quels depuis le départ des derniers employés, permet d'effectuer un voyage dans le temps pour le moins stupéfiant...
Édifiée
en 1835 à
Jujurieux (Ain), cette véritable cité industrielle employa des milliers d'ouvrières de la
région,
mais aussi d'autres pays d'Europe (Italie, Suisse, Pologne...),
et fut longtemps considérée comme un modèle de l'"usine-pensionnat",
La vie des pensionnaires était en effet planifiée de façon très précise,
et les nombreuses infrastructures (chapelle, économat, infirmerie...),
attenantes, constituaient pour l'époque des avantages non négligeables.
Sans doute est-ce pour ces raisons que l'usine ne connaîtra que très peu
de mouvements de grève, et ce en dépit de faibles salaires.
L'architecture
des bâtiments ainsi que le fonctionnement exemplaire de l'entreprise
inspirèrent la construction de succursales ainsi que d'autres filatures
concurrentes, en France et à l'étranger, dont probablement
celle de Tomioka au Japon.
Les deux conflits mondiaux du 20ème siècle et leurs nombreuses
conséquences (manque de personnel, mécanisation de gestes autrefois
manuels, usage des fibres synthétiques, évolution du mode de vie et de la clientèle...) ayant créé des
difficultés dans l'industrie textile,
le pensionnat ferme en 1945 et l'activité de la Société d'Exploitation des Textiles Bonnet se réduit au fil des ans.
Dans les années 1970, pour tenter de faire face à ce déclin, la SETB investit dans des
métiers à tisser le velours, ce qui redonna un certain élan à sa
production durant quelques années, mais ne permit pas d'empêcher
le dépôt de bilan survenu en 1999.
et l'intégralité de ce qu'ils abritaient (machines, outils,
mobilier, archives, rouleaux de tissus, échantillons, etc) fut acquis
par le
Département de l'Ain, le tout en vue de créer un musée.
Deux ans plus tard, les collections obtiennent l'appellation "
Musée de France", et le bâti est classé monument historique. Les lieux, ouverts au
public de mai à octobre, sont divisés en deux espaces:
- la partie "exposition", où le visiteur est amené à découvrir le
Bombyx mori (papillon dont la chenille est à l'origine du fil de soie), les différents types de textiles produits par les Soieries Bonnet selon les époques, ainsi que l'histoire - très documentée - de la société, des bâtiments à la vie de son personnel;
- la partie dite
de l'"usine", dont on voit ici les images, accessible uniquement lors de visites guidées (pour des raisons
de sécurité) effectuées par d'anciens employés, qui partagent volontiers leurs
connaissances ainsi que leur expérience individuelle.
Quand les circonstances le permettent, certains métiers à tisser sont alors remis en marche;
ces démonstrations donnent l'occasion de se rendre compte des
conditions de travail (odeur, bruit, etc) imposées par ces machines, qui
exigent de plus beaucoup de rigueur et d'attention lors de leur
utilisation.
Pour en savoir plus: