Dès l'entrée, le fac-similé du programme du défilé donnait aussitôt la délectable sensation de faire partie de la liste des invités et avec, l'impression de pouvoir y assister en direct... Immersion au tout début des années 1970, dans une période que certains disent "mythique"...
"Choquer les gens... les forcer à réfléchir": voilà le motif invoqué par Yves Saint Laurent pour présenter une collection à l'inspiration pour le moins sulfureuse, les années noires de l'Occupation, avec tout ce qu'elles sous-entendent encore si douloureusement dans l'esprit de l'époque, moins de trente ans après.
En ce 21 janvier 1971, quelques semaines après la mort de Gabrielle Chanel, figure emblématique de la haute couture vénérée par Yves, celui-ci décide soudain de rompre avec la bienséance et l'élégance classique issues de Dior; il prend le parti risqué de se référer à la mode parisienne des années de guerre: épaules carrées, chaussures compensées en cuir vernis noir dites "Raymonde", jupes et robes au genou provoquent alors l'aversion des spectateurs du défilé, clientes fidèles comme journalistes.
Si la collection, surnommée "Quarante", ou "Libération", sera boudée par une élite sociale encore rigide et sévère, elle remportera néanmoins par la suite le succès déclinée en prêt-à-porter, faisant descendre la couture dans la rue et répandant dans le même temps le goût pour les clins d'œil et références historiques, volontiers chinés aux puces, du "rétro" au "vintage" tels que nous les connaissons aujourd'hui.
Un événement clé dans l'évolution de la mode, donc, mais aussi dans la carrière d'Yves Saint Laurent, dont la maison, qu'il a créée avec Pierre Bergé en 1961, existe alors depuis tout juste dix ans. Car il fait preuve ainsi de toujours plus d'audace, et paradoxalement... de modernité, empruntant pourtant des éléments vestimentaires à un passé de sombre mémoire.
Parcours synthétique et condensé de cette collection marquante, l'exposition proposait de (re)découvrir, en plus de certains modèles, des clichés, des vidéos d'archives, et de très nombreux croquis préparatoires du couturier, parfois sous forme d'agrandissements, accompagnés des échantillons de tissus et de diverses annotations, l'ensemble permettant de retracer les différentes étapes de création: croquis original (dit "non choix" en cas de rejet ultérieur), tests d'impression des motifs sur papier puis tissu, fiche d'atelier avec numéro de passage et nom du mannequin, planche de collection regroupant les silhouettes par thème, et enfin photos de défilé, puis de presse. Un "envers du décor" rarement montré au public de façon si détaillée, et qui regorge cependant de précieuses indications...
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