vendredi 1 février 2013

Ancient Chinese Paintings

Dame de cour, détail d'un rouleau intitulé "Conseils de la monitrice aux dames du palais"; Kou K'ai-Tche (vers 344-405); peinture sur soie.

De toute la peinture ancienne, hormis les œuvres de l'antiquité (romaine, grecque et surtout égyptienne), c'est celle d'Asie que je préfère: pourtant les génies n'ont pas manqué en Occident, du Moyen-Âge au 20ème siècle! Et Paris regorge de musées (le Louvre, Orsay, le Petit Palais, l'Orangerie, Jacquemart-André, etc) où nombre de pièces d'exception sont exposées au public!

La peinture chinoise, qui fut à l'origine de l'art pictural de l'ensemble de l'Extrême Orient (Corée, Japon et Asie du Sud Est) présente un certain nombre de particularités mais aussi un état d'esprit qui correspondent davantage à ma sensibilité: l'usage souvent délicat de la peinture à l'eau sur papier ou sur soie, l'importance de la nature et de sa contemplation, et l'humilité traditionnelle des Asiatiques, qui ne se placent jamais au centre de l'univers dans lequel ils évoluent.

A l'origine, les supports artistiques étaient principalement en pierre (murs), en terre (poteries) ou en métal (divers objets sculptés); plus tard le papier et le tissu fin devinrent les surfaces les plus appréciées pour l'art noble de la peinture, l'ornementation des objets usuels devenant le seul apanage de l'artisanat.
Pour ce qui est de la technique, les artistes chinois n'utilisaient pas de peinture à l'huile, mais des encres (obtenues avec de la fumée et de la gomme comprimées en bâtons puis séchées), diluées dans de l'eau, soit noires (lavis), soit de couleur (un peu comme pour l'aquarelle). Cette technique donne un résultat toujours plus ou moins "aquatique" ou "vaporeux", quel que soit le style de l'œuvre, ce qui est totalement différent de l'aspect "huileux" des toiles ou même des fresques à l'européenne. Car l'eau dissout les pigments en les transformant en un fluide à la teinte plutôt homogène, où seules ressortent les nuances entre pâleur et vivacité, tandis que l'huile créé avec eux une pâte épaisse aux tons irréguliers, dans laquelle le pinceau va laisser l'empreinte de ses poils, aussi infime soit-elle.
Le pinceau employé, dont le renflement des poils est situé tout près de sa base en bambou, contrairement à celui d'Occident, ne se manie qu'avec l'épaule et le coude, et demande une très grande maîtrise de soi, ce qui implique de savoir respirer sereinement, en harmonie avec son tracé. Les peintres chinois sont d'ailleurs souvent d'abord et avant tout des calligraphes hors pair, choisissant d'illustrer de dessins minutieux et/ou expressifs leurs écrits en idéogrammes. Et un véritable amateur d'art asiatique sait autant apprécier la calligraphie que la peinture qui l'accompagne. Car ce "coup de pinceau" restitue les moindres mouvements, révélant par la-même la personnalité et l'état d'esprit de son auteur. 
De plus l'encre noire appliquée sur du papier ou de la soie n'autorise que peu de retouches, ce qui exige d'avoir des idées limpides, une technique sûre, tout comme une exécution spontanée. Et les formats étant plutôt étroits et tout en longueur (rouleaux), soit horizontaux (tcheou ou makimono, qui se déroulent de droite à gauche, incluant une dimension temporelle), soit verticaux (chou-kiuen ou kakemono, qui se lisent de haut en bas), impossible de peindre en extérieur. Si l'observation se fait bien en plein air, l'exécution de l'œuvre a lieu dans un atelier où l'artiste se remémore ce qu'il a vu dans une sorte de profonde méditation. Cette méthode donne une vision synthétique du sujet, et convient tout spécialement à la réalisation de paysages. 
Or ce thème, avec les fleurs, les bambous, les animaux (dragons, chevaux, singes, insectes, grenouilles...), et les scènes religieuses ou impériales est l'un des préférés des Chinois, qui approchent généralement la nature (reliefs, faune et flore) avec respect. Dans ce contexte, les peintures suspendues au mur, sans cadre, ne sont pas des éléments "passifs" et séparés du reste, mais participent activement à l'environnement dans lequel ils doivent s'inclure harmonieusement. Ainsi, on pourra sortir un rouleau peint de sa boîte que si l'occasion se présente, lorsqu'on s'apprête à recevoir des amis qui sauront l'apprécier et/ou que le moment de la vie correspond à ce qu'il exprime (saison, événement).
Enfin, pas de perspective scientifique ni d'étude du corps humain dans la peinture chinoise, comme c'est le cas en Occident: l'homme occupe une place bien plus restreinte dans un monde souvent considéré comme mystérieux et sauvage, qu'il n'aurait pas l'audace de tenter de dominer. Et mis à part quelques sujets érotiques, les protagonistes sont toujours vêtus d'habits amples et apparaissent la plupart du temps en miniature, excepté quand il s'agit de divinités ou de personnages importants.

Portrait de l'empereur Wen-ti, fragment d'un rouleau; Yen Li-pen (mort en 673); peinture sur soie.

Un peu d'histoire

Alors que les premiers signes de la naissance de l'art chinois que l'on ait retrouvés (entre 7000 et 3000 ans avant J-C) se reconnaissent aisément à leurs formes géométriques ou zoomorphiques très répétitives, la peinture devient plus douce et plus aérée à partir du premier millénaire avant J-C. 
Influencés par les philosophies de Confucius (insistant sur l'ordre social) ainsi que du Tao (portant essentiellement sur les liens entre les hommes et la nature), les artistes chinois développent peu à peu un art du paysage - unique par ses montagnes accidentées, ses cours d'eau tortueux et.. son absence de perspective -, reflet de l'âme humaine qui s'y projette.
Selon la légende, l'invention du pinceau serait due à Che Houang (2697-2597). Les plus anciens découverts dateraient des 5ème et 4ème siècles avant J-C.

Sous la Dynastie des Han (de 206 avant J-C à 220 après J-C), la Chine s'unifie pour la première fois et recrute des lettrés de tous horizons pour gérer son service administratif. La curiosité intellectuelle est si forte que le bouddhisme venu d'Inde intéresse autant les Han que l'élixir d'immortalité taoïste...
Personnalité individuelle et indépendance sont très largement encouragées par le Tao, qui permet le vide et l'harmonie dans une sorte d'"inaction" pleine d'humilité, tandis que le confucianisme ordonne l'ensemble du pays grâce à une puissante autorité traditionaliste et conquérante.

Durant les Six Dynasties (265-581), le pays quitte cet équilibre prospère et se morcèle, subissant une longue et sombre période de troubles. Une forte influence nordique et bouddhiste (comme à Touen-houang) se fait sentir et le Sud jugé auparavant trop "barbare" gagne en considération. Les valeurs du taoïsme empiètent sur celles du confucianisme, les lettrés préférant se réfugier dans les montagnes ou les monastères pour échapper au tumulte. 
C'est vers cette époque que se fixent les règles fondamentales de la peinture: 1. l'expression du souffle vital et du mouvement, 2. le soulignement de l'ossature par un travail habile du pinceau, 3. la représentation fidèle des objets et des formes, 4. le respect du sujet et de ses couleurs, 5. l'établissement du dessin, à savoir de sa composition, 6. la perpétuation de la tradition en copiant les Anciens.

La dynastie des Tang (618-907) favorisa le développement de l'art ainsi que de savoirs de toutes sortes. L'armée gagna en puissance et les échanges avec l'étranger furent plus importants, le commerce étant florissant et très organisé. Plus encore que sous les Han, on estime ainsi que l'harmonie entre taoïsme et confucianisme atteignit alors son apogée. Les étrangers, notamment religieux et savants étaient volontiers accueillis dans le pays tandis que de nombreux pèlerins et voyageurs chinois explorèrent l'Inde et rapportèrent des textes sacrés ainsi que des pratiques spirituelles qui enrichirent la culture traditionnelle et ancestrale. 
Cette ouverture intellectuelle contribua nettement au développement littéraire, notamment poétique (Li T'ai-po, Tou Fou, Meng Hao-jan, Wang Wei, Pai Chu-yi...) mais aussi à celui des sectes, parmi lesquelles celle d'Amida, qui n'imposait que d'invoquer le Bouddha Amida né dans une fleur de lotus, eut une influence grandissante et devint peu à peu la plus fréquentée. D'autres bouddhistes préféraient soulager la souffrance humaine en faisant preuve de compassion envers leurs semblables. 
Mais certains adeptes du Tao ou du confucianisme critiquèrent vivement ces courants religieux et spirituels, qui leur faisaient ombrage. Ce qui n'empêcha nullement à la Chine de se réapproprier le bouddhisme venu de l'Inde en le mêlant à ses propres traditions, permettant du même coup sa diffusion en Corée, au Japon et en Asie du Sud Est.
La première académie impériale de peinture (Tou-houa-yuan) est fondée au 8ème siècle par Hiouang Tsong. L'art du paysage prend alors ses lettres de noblesse grâce aux peintres professionnels de la famille Li, qui utilisaient des couleurs vives (bleu, vert, or..), typiques de ce qu'on appellera plus tard l'"École du Nord", mais également grâce à Wang Wei (699-759), célèbre pour ses panoramas monochromes (souvent enneigés), caractéristiques de l'"École du Sud". Ce dernier, incarnant l'idéal de l'homme honnête, cultivé et expert dans les arts aura de nombreux successeurs ne faisant usage, comme lui, que d'une seule encre, jouant avec ses multiples nuances subtiles.

Paysage; Tong Yuan (actif vers 1000); peinture sur soie.

Durant la période des Cinq Dynasties (907-960) se succédèrent des dictatures militaires qui divisèrent le pays. Les Chinois se recentrent alors sur leurs valeurs et leurs traditions esthétiques. Les peintres se perfectionnent dans l'art du paysage, de plus en plus net et minutieux, toujours plus inspirés par une nature réconfortante en ces temps de troubles.

Troupeau de cerfs dans la forêt; anonyme (vers 907-960), détail d'une peinture sur soie.

C'est un moment dit d'équilibre entre la vitalité des Tang et la sérénité des Song, où les Chinois sont amenés à la maîtrise d'eux-mêmes. Le chaos politique semble avoir provoqué un renouvellement artistique important, redonnant plus de force à l'individu, qui préfère souvent peindre à l'écart en cultivant des valeurs humanistes plutôt que d'affronter les problèmes du pays de trop près. Malgré ces évolutions techniques et intellectuelles, les artistes conservaient de solides références littéraires issues des Tang.

La pêche dans un ruisseau de montagne, partie d'un rouleau; Siu Tao-ning (11ème siècle); peinture sur soie.

La Dynastie des Song (960-1279) s'installe difficilement mais parvient à rétablir la paix en réduisant la puissance des provinces tout en rétablissant un pouvoir centralisé. Seul le Nord reste une menace continuelle, les Mongols tentant d'envahir la Chine à plusieurs reprises. Sur le plan spirituel, le confucianisme intègre des idées taoïstes et bouddhistes. Le philosophe Tchou-hi (1130-1200) considérait ainsi que la "puissance suprême" de la nature était à l'origine de la création de l'univers à travers le Yin et le Yang (harmonie fondamentale), inspirant de nombreuses peintures de paysages dont les hommes font intégralement partie mais très humblement, en tout petit.

Vimalakirti; Li Long-mien (1040-1106); encre sur soie.

Sous les Song du Nord (à savoir avant la capture de l'empereur Houei-tsong par les Mongols), les artistes perpétuèrent pour beaucoup l'art et les traditions des cinq dynasties. Mi Fei (1051-1107) fut un des rares à peindre des paysages uniquement selon sa fantaisie, s'affranchissant de tous les principes de composition déjà très contraignants. D'autres encore s'attelèrent, suivant l'idée innovante de I Yuan-ki, à représenter des fleurs et des animaux. L'académie des Song s'efforça de faire perdurer les efforts entrepris par celle des Tang pour aider notamment financièrement les peintres talentueux qui acceptaient de se plier aux exigences impériales.

La perruche aux cinq couleurs; empereur Houei-tsong (règne: 1101-1125), peinture sur soie.

 En effet, les empereurs étant eux-mêmes souvent très doués, ils imposaient parfois des règles extrêmement strictes, comme Houei-tsong (1101-1125) par exemple. Les membres de l'académie recevaient alors les commandes des plus fortunés, qui aimaient tout particulièrement la faune et la flore miniatures, très réalistes, peints avec un fourmillement de détails, toujours suivant la tradition.

Singe et petit chat; I Yuan-ki (actif vers 1064 et 1066); partie d'une peinture sur soie, encre et couleur légère.

Les Mongols s'étant révoltés contre les Chinois, l'empereur et ses gens de cour furent faits prisonniers, tandis que beaucoup d'autres se cachèrent dans les montagnes. Un peu plus tard, l'armée des Song ayant repris possession de ses territoires, Kao-tsong, fils de Houei-tsong, rétablit l'académie impériale avec les survivants, ce qui donna lieu à un siècle d'existence raffinée.

Quelques-unes des "Cent oies sauvages"; Ma Fen (fin du 12ème siècle); extrait d'un rouleau; encre sur papier.

Parallèlement, le tchan, ou bouddhisme zen, dit "de contemplation", implanté en Chine dès 520 par le prêtre indien Bodhidharma, s'est développé au point d'influencer de très nombreux peintres. Il s'agit de méditer longuement en vue d'une purification de l'esprit permettant d'atteindre le "grand vide", unissant peu à peu le pratiquant à la "vérité suprême". Cette doctrine mettait en évidence la présence de Bouddha en toute chose, de l'insecte au rocher, encourageant la communion avec la nature et la diversification des thèmes. La peinture tchan porte un intérêt profond à toute la création. Pas d'iconographie rigide: le plus insignifiant est révélé dans toute sa densité. Spontané comme la vie, le coup de pinceau n'a pas droit à l'erreur car on ne peut l'effacer. Dans ces conditions, la peinture est unique, et sa réalisation d'une extrême difficulté. Cet art spirituel instantané et dépouillé, qui demande de la personnalité, de la dextérité mais surtout de la concentration eut aussi un grand succès au Japon, où il se développa beaucoup par la suite.

Paysage aux saules; Ma Yuan (actif vers 1190-1224); peinture sur soie.

Au 12ème siècle, l'académie des Song du Sud vit éclore les talents de Ma Yuan et Hia Kouei, très appréciés de la cour, qui fondèrent l’École Ma-Hia, moins austère. On les connaît surtout comme étant les artistes ne "peignant qu'un coin sur quatre", laissant le vide s'exprimer autant sinon plus que le reste. Ce style ayant eu du succès, il fut largement copié...

Deux des "Neuf dragons"; Tchen Yong; 1244, fragment d'un rouleau; encre et couleur légère sur papier.

Après les nombreuses campagnes énergiques de Gengis Khan (1162-1227) pour envahir l'Asie, son petit fils Khoubilaï devint à son tour empereur en 1260, marquant le début de la Dynastie des Yuan (1260-1368). Sous la domination des Mongols, réputés pour leur cruauté et leur barbarie, les Chinois sont employés à de rudes travaux forcés. Mais la paix étant de retour, de nouveaux échanges se développent entre le pays et l'Europe, les Yuan engageant même certains Occidentaux robustes à leur service (Marco Polo est l'un des plus célèbres...). 
Si les traditions chinoises restèrent vivaces, l'influence mongole pourtant brève fut profonde. Avec la disparition des écoles officielles, les artistes affirment leurs singularités. A quelques exceptions près, la plupart sont des lettrés qui refusent d'obéir au pouvoir étranger et peignent parce qu'ils savent qu'ils ne subiront pas de répression, les occupants ne s'intéressant pas ou peu à l'art. D'autres, en revanche, choisiront de travailler pour le compte des Yuan. 

Insectes et lotus; Tsien Siuan (1235-1290); rouleau; encre et couleur sur papier.

L'époque est un curieux mélange de nostalgie des riches heures des Tang voire même de l'âge d'or des Song (10ème siècle principalement) et de recherches spirituelles de la part des lettrés sur les liens entre peinture et calligraphie, donnant lieu à la création du "wen jen houa", la peinture des hommes cultivés, base de l'art pictural chinois et japonais ultérieurs. Ainsi les Chinois perpétuent les représentations de la faune et de la flore du passé en enrichissant sans cesse leur technique. Pour ce qui est du paysage, on distingue notamment Kao K'o-kong ainsi que "les quatre grands maîtres de la Dynastie des Yuan": Houang Kong-wang (1269-1354), Wang Mong (?-1385), Wou-tchen (1280-1354) et Ni Tsan (1301-1373)
A la mort de Khoubilaï en 1294, l'empire s'effondre rapidement, ses successeurs demeurant trop faibles pour maintenir l'unité du pays. Crise économique et famine frappent les différentes régions qui en reviennent temporairement à un système de troc pour subsister. Dans un climat de terreur où beaucoup de Chinois craignent d'être massacrés par les Mongols, une opposition invisible s'établit avec force. D'origine très modeste, Tchou Yuan-tchang, moine devenu soldat, rejeta définitivement les derniers Yuan hors du pays en 1361.

Brumes dans les montagnes boisées; Kao Ko-kong (1248-1310); encre et couleur sur papier.

Tchou se proclama premier empereur de la Dynastie "brillante" Ming (1368-1644), réunissant à nouveau et durablement la Chine. Tout pouvoir étranger écarté, les institutions culturelles traditionnelles furent remises en place, notamment en vue d'obtenir le soutien des fonctionnaires érudits. Des projets culturels d'envergure tels que la création d'Encyclopédies furent encouragés, tout comme l'architecture, puisqu'il fallait reconstruire, notamment dans les régions reconquises par l'armée. 
En ce qui concerne les arts populaires, drame et roman eurent un grand succès et les ouvrages de céramique, de laque ou de métal sont volontiers financés par les plus aisés. De nombreux savants richissimes furent à l'origine de grandes bibliothèques et collections d'œuvres d'art.

Sur la rivière; Tai Tsin (actif entre 1430 et 1455); fragment d'un rouleau, encre sur papier.

Conservatrice, la Dynastie des Ming n'encouragea que la répétition des œuvres du passé glorieux des Tang ou des Song, refusant toute innovation créatrice, son but étant de maintenir son pouvoir dans la paix à travers un univers rassurant. Le confucianisme devint pilier de l’État et tout fonctionnaire devait s'y conformer. Le bouddhisme, lui, fut largement déprécié, et avec, toutes les émotions profondes qu'il prônait. Au début, notamment durant le 15ème siècle, des maîtres très compétents surent reprendre avec talent les réalisations des Anciens, en accentuant l'intérêt porté à la vie quotidienne et aux détails, comme Tai Tsin, considéré comme le fondateur de l’École Tchö, ou bien en manifestant un grand intérêt pour les liens existant entre les hommes et la nature, détachée de toute considération mondaine, comme Chen Tcheou (1427-1509), à l'origine de l’École Wou.
Mais bientôt, face à des exigences académiques de plus en plus strictes, les nouveaux génies se raréfièrent et l'art se réduisit quasiment en copies, expertises et collections. Peu à peu, la peinture, devenue accessible aux moindres petits fonctionnaires "barbouilleurs" par le biais de traités de vulgarisation, perdit tout son mystère et sa subtilité en devenant une simple application de théories sur les formes, les teintes et les couleurs.

Fleurs, graminées et oiseaux sauvages; Liu Ki (actif vers 1500); encre et couleur sur papier.

Cependant, certains artistes aux mœurs très controversées, comme Siu Wei (1529-1593), sortirent du lot au 16ème siècle, en ne travaillant que selon leur humeur et leur plaisir. Si leur réputation fut souvent malmenée, ils donnèrent à leur façon un souffle nouveau à l'art pictural.
Au 17ème siècle, un fossé s'étant creusé entre peintres de cour au style formel et artificiel vivant de leur art et peintres amateurs érudits au style plus libre, Mouo Che-long et Tong Ki-tchan (1555-1636) classèrent les premiers comme représentatifs de l’École du Nord (pei tsang houa), académie professionnelle reconnaissable à ses choix de couleurs et de contours marqués (Ma Yuan, Hia Kouei, l'Ecole des Tchö..), et les deuxièmes comme issus de l’École du Sud (nan tsang houa/wen jen houa) caractérisée par des paysages brumeux et monochromes (Mi Fei, Wang Wei, les quatre grands maîtres Yuan..). Pour autant, cette distinction parfois arbitraire des critiques d'art ne manque pas de contradictions, étant donné les nombreux échanges qu'il y eut entre les deux courants.

Le poète et deux courtisanes; Tang Ying (1470-1523); encre et couleur sur soie.

Géographiquement, Nord et Sud cessent aussi de s'entendre: beaucoup de familles d'érudits ayant fui au Sud pour échapper aux invasions des Mongols se retrouvent en concurrence sévère et ne peuvent plus accéder aux postes de fonctionnaires, auxquels des lettrés du Nord, de niveau intellectuel un peu moins élevé, mais pas très nombreux et plus proches de la capitale, sont plus aisément admis. Mécontents, ceux du Sud participent à l'agitation politique ou alors se réfugient dans l'art, acceptant même avec joie de vendre leurs œuvres pour vivre et devenant peu à peu à leur tour des professionnels (ce qui ne facilite pas leur classification!). Un style amateur mais très convenu émergea, tandis que les peintres "non professionnels" prirent de l'importance dans l'arbitrage du goût.

Conversation sous un arbre; Kieou Ying (actif vers 1522-1560); encre et couleur sur papier.

La corruption et les menaces du Nord (Japonais et Mandchous) eurent raison de la dynastie des Ming. Le chef populaire Li-Tseu-tcheng organisa un soulèvement et s'empara de Pékin en 1644. Ce fut la naissance de la Dynastie des Tsing (1644-1911). Wou san-kouei, général Ming ayant lutté contre les Mandchous, devint rapidement son rival, et accepta même une alliance avec ses anciens ennemis du Nord pour envahir la capitale et chasser Li-Tseu vers l'Ouest tout en gagnant de nouveaux territoires. Plus tard, les Mandchous occupèrent également le Sud de la Chine, grâce au soutien d'empereurs puissants.
Nord et et Sud s'opposent alors d'autant plus que ce peuple étranger assez peu cultivé se heurta aux lettrés du Sud exaspérés de demeurer sans emploi, qu'ils pillèrent allègrement. La peinture devint un art politique et dans ce contexte, mieux valait éviter de faire trop référence à elle, surtout s'il s'agissait d'œuvres exécutées par des artistes jugés trop "indépendants" ou "originaux".
Le style "wen jen" des Ming, quant à lui, continua de se développer, en particulier avec "six grands maîtres", dont "les Quatre Wang" (Wan Che-Min 1592-1680, Wang Kien 1598-1677, Wang Houei 1632-1717 et Wang Yuan-Ki 1642-1715) ainsi que Wou Li et Yun Cheou-Ping, qui ensemble couvrent tout le 17ème siècle.
Des "individualistes" comme Tchou-Ta, Kouen-Tsan et Tao-Tsi, réagirent violemment contre l'état d'esprit Ming encore présent au milieu du 17ème siècle en innovant dans des peintures aux techniques et aux inspirations toutes personnelles, avec une négligence souvent volontaire et un souci d'exprimer une intense émotion.

Choucas; Houa Yen (1684-1764); encre sur papier.

Les Mandchous étant moins nombreux et moins érudits que les Chinois, mais favorisés par rapport à ceux-ci pour l'obtention de charges et de revenus, certains d'entre eux devinrent des lettrés respectés même par les Chinois, comme Kao Ki-pei, par exemple, célèbre pour ses peintures à l'ongle (tche-teou-houa), art qu'il a su perpétuer avec génie.
Pour la première fois les peintres chinois cessèrent de suivre leurs prédécesseurs et n'eurent plus aucun maître pourtant indispensable jusque-là. C'était même devenu une qualité que de ne rien devoir au passé. Au 18ème siècle, les mécènes fortunés de Yang-tcheou accueillaient de nombreux érudits pauvres et sans emploi pour faire vivre leurs nouvelles bibliothèques à l'occasion de grandes réunions littéraires et philosophiques, dont certaines furent surveillées de près par les Mandchous, par crainte de futures rebellions. L'élite culturelle de la Chine devait donc faire profil bas, même si le talent de beaucoup de ses membres n'était pas apprécié à sa juste valeur.

Fleurs; Yun Cheou-Ping (1633-1690); peinture sur soie.

Par ailleurs, les peintres les plus divers ayant été très nombreux à cette époque, les historiens chinois rencontrèrent de réelles difficultés pour les classer selon leur style aussi rigoureusement qu'autrefois, se trompant assez souvent. En général, ils se contentaient de suivre la géographie, considérant le lieu de vie de l'artiste comme étant ce qui l'influence le plus. De cette multitude ressortent aisément "les Huit Excentriques de Yang-tcheou", reconnaissables à leurs singulières calligraphies qui se veulent tout sauf élégantes. Les illustrations qui les accompagnent sont tout aussi sèches et vigoureuses. Ce genre de réalisation fut très apprécié par la suite, inspirant autant la peinture chinoise que japonaise des 19ème et 20ème siècles. A partir de 1912, avec la chute de l'empire, remplacé par la République, ainsi que la mondialisation progressive durant les cent dernières années, l'art pictural traditionnel connaît un déclin sans précédent, l'Asie s'essayant désormais davantage aux techniques Occidentales.

Branche de prunier; Kin Nong (1687-1764); encre sur papier.


Merci à Stéphane W!

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